Pour le groupe elle en est une.
Une belle.
Une vraie.
Une grosse.
Une sacrée.
C’est ce qu’ils disent dans les commentaires qui font sonner son téléphone à répétition, entre insultes et émojis assassins.
Mais elle choisit de voir, toucher, entendre, goûter. Sans céder à la pression et au jugement de la meute.
Elle joue selon ses propres règles.
Seule ? Peut-être pas…
Librairies indépendantes
Queen Kong fut une lecture courte et incisive, le genre de livre qui vous ébranle car il raconte une histoire que vous connaissez par cœur, mais que peu raconte. L’écriture brute, franche, sans fioriture rend les choses réelles. Mais il est également très intelligent, car aussi dur qu’il soit, jamais il ne se rabaisse à prononcer les mots qui détruisent notre protagoniste. Parce qu’on n’a pas besoin de les entendre, on les connait déjà toutes non ? Ces mots qu’on entend régulièrement quand on ose ignorer un mec qui nous interpelle dans la rue ; ceux qu’on entend quand on porte une jupe trop quelque chose ou un décolleté en été. Il n’y a pas à dire, le fait qu’aucun de ces mots ne soient prononcés, m’a, je crois, rassurée ; ils n’ont pas besoin qu’on leur donne de l’importance, ils en prennent déjà tellement dans notre monde.
Le récit s’ouvre sur cette fille harcelée par ses camarades, tandis qu’en même temps, il y a cette lutte dehors, un regroupement d’individu·es qui ont pris possession d’un terrain au-dessus de chez elle, et qui se battent pour éviter la construction d’un centre de vacances. En gros, c’est la guerre en elle, et aussi dehors. Puis il y a son téléphone qui sonne encore et encore, affichant tous ces mots…
Dans ce fouillis, elle raconte comment elle s’est retrouvée à cet instant T. Elle raconte ses émois, ses envies, ses rencontres, mais tout cela est court, car au final il n’y a pas grand chose à raconter ; il n’y a généralement pas besoin de grand chose pour passer de “membre de la bande” à “elle”.
Ce livre raconte la découverte de sa sexualité et de son corps, par une fille. Il raconte le poids du groupe sur les individu·es, comment la meute gère la vie sociale de la bande, comment la foule rend les individu·es bêtes pour être accepté·es par les autres. Il y a un côté irréaliste dans le déroulement des événements, mais au final les choses peuvent réellement tourner aussi mal, aussi rapidement.
Au final, cette lecture me marquera parce que même si les mœurs évoluent, le sexisme systémique reste encore bien souvent la norme dans notre société occidentale. Et même en tant que femme, je me sens parfois bloquée dans ces choses que je dois ou ne dois pas faire en tant que femme. Il est si difficile de sortir du chemin qu’on a tracé pour nous.
Citations
- J’ai choisi d’écouter ce qui bat en moi. Choisir la liberté c’est choisir la solitude.
- Il savait tout sur les moteurs de scoots, rien sur les moteurs de filles.
- De l’extérieur, rien ne laissait deviner qu’il se passait un truc aussi incroyable à l’intérieur de moi.
- Si tu veux du sexe sans amour, si tu veux démêler les deux, le temps de comprendre quelque chose, il faut être prêt à payer la note. On te le pardonnera pas. En tout cas si t’es une meuf.
- Si c’est possible, moi j’ai j’ai plutôt envie de vivre. Mais pas comme ils voudraient. Vivre comme j’ai décidé. Libre. Même seule.
- Les humains sont des porcs pire que les truies.
- Hyper sensible, en vrai, ça veut juste dire que la majorité des gens ne sentent pas assez.
- Je voyais trop de choses, je sentais trop de choses, j’avais l’impression d’être folle, des fois. Alors que j’étais juste.
- Javais appris un truc. Jamais de sexe sous la pressions de qui que ce soit. Jamais.
- J’étais dans un long tunnel de rien, et de temps en temps il y avait une lumière.
- Il peut pas me protéger parce mes plus grands peurs sont aussi mes plus grandes forces.
- Je suis invincible, effrayante, fascinante.
Informations
Queen Kong d’Hélène Vignal aux éditions Thierry Magnier collection L’Ardeur – 15/09/2021 – 96 pages – 12,90€ – France