Bruce Wayne est déterminé à faire en sorte que le sacrifice ultime de Superman ne soit pas vain. Pour cela, avec l’aide de Diana Prince, il met en place un plan pour recruter une équipe de métahumains afin de protéger le monde d’une menace apocalyptique imminente. La tâche s’avère plus difficile qu’il ne l’imaginait, car chacune des recrues doit faire face aux démons de son passé, et les surpasser, pour se rassembler et former une ligue de héros sans précédent. Désormais unis, Batman, Wonder Woman, Aquaman, Cyborg et Flash réussiront-ils à sauver la planète de Steppenwolf, DeSaad, Darkseid et de leurs terribles intentions ?
En 2017 est sorti Justice League dans les salles obscures. Attendu en grande pompe, le naufrage était aussi impressionnant que les espoirs portés par le super long métrage de DC Comics, dont la réalisation fut partagée entre Zack Snyder et Joss Whedon, appelé à la rescousse suite au départ précipité de ce premier((François Léger, Justice League : […] Zack Snyder laisse Joss Whedon terminer le film, 23/05/2017 – Première)). S’en suit alors une incroyable campagne virale #ReleaseTheSnyderCut((L’Obs, fans et acteurs réclament le montage alternatif du film « Justice League », 18/11/2019 – L’Obs)) qui mis deux années pour arriver jusqu’aux oreilles des producteurs de Warner Bros. Annoncée depuis mai 2020 pour promouvoir la plateforme HBOmax, que vaut cette version revue et corrigée par Snyder, et disponible en VOD en France ?
Et bien comme prévu, la Snyder Cut est immensément meilleure que la première copie. Oubliés les approximations scénaristiques, l’humour lourdingue, l’étalonnage affreux ou encore les plans douteux sur Wonder Woman ; Zack Snyder propose une version XXL de son projet initié avec Man Of Steel. Sans chercher à répondre à qui que se soit, et en faisant fi de toutes les critiques qu’il a pu recevoir, le réalisateur propose au public la conclusion initialement prévue ; et tant pis si elle n’est pas cohérente avec ce qu’on a vu ensuite (Aquaman, Shazam!, et Wonder Woman 1984)((Charles Martin, Zack Snyder exlique la fin de son Justice League, sans penser à une suite, 19/03/2021 – Première)).
C’est simple, ce généreux re-montage fait mieux que son prédécesseur, à tous les niveaux. La Ligue des Justiciers a enfin droit à un film à la hauteur de sa réputation. Visuellement, le film est éblouissant (dommage de ne pas avoir pu en profiter en salle), la composition de chaque plan est minutieuse et certains ressemblent à des peintures animées ; bien aidé par le ratio 4/3, les personnages sont en permanence iconisés ; les scènes d’actions sont dantesques, rythmées, mais toujours lisibles, grâce aux ralentis dont Snyder maîtrise l’esthétisation sur le bout des doigts (et croyez-moi qu’ici, il s’est fait plaisir). Seul bémol, les effets numériques ne sont pas toujours optimaux, ce sont Darkseid et ses amis méchants qui en pâtissent le plus : ils sont bien bien numériques.
Scénaristiquement, les quatre heures (soit deux fois plus que Justice League 2017) permettent à l’histoire de prendre son temps pour introduire et développer chaque personnage de manière cohérente et logique. Il n’y a aucune frustration de ce point de vue là (si ce n’est celle de ne pas avoir découvert les nouveaux personnages dans leurs films solos avant), le scénario tient du début jusqu’à la fin.
En découvrant cette densité d’informations, on constate que même Snyder aurait livré un montage tout aussi brouillon s’il avait dû amputer son film ne serait-ce que d’une heure ; on peut donner ce crédit à Joss Whedon. Du côté des défauts, je reproche à Snyder de faire preuve d’un manichéisme un peu facile, l’équipe des méchants est super méchante. Voilà. Il s’était avéré plus (trop) subtil avec Batman v Superman. Je regrette aussi son épilogue, qui s’apparente d’avantage à un pot-pourri d’idées qu’il a échoué à placer dans son récit qu’à une conclusion. Il me laisse alors sur une note un peu mitigée alors qu’il m’avait comblé jusqu’ici.
Snyder a obtenu une sorte de carte blanche rare à Hollywood, qui lui a permis de proposer sa vision, celle d’un auteur, totalement inédite pour un blockbuster. Le ratio qui fait tant parler en est le meilleur exemple : le fameux 4/3 (ou 1.33), qui impose de larges barres noires sur les côtés de l’écran, qui en rebutent certain·e·s mais qui personnellement ne m’ont jamais perturbé. Ce choix artistique, presque expérimental, permet au film de Snyder de se démarquer de toutes les autres œuvres du genre, comme le sont ses personnages : hors-normes.
La durée du métrage, deux fois plus longue que la version de 2017 m’amène à une autre réflexion : les plateformes sont-elles les derniers espaces de créativités totales pour les réalisateur·rice·s ? Principalement pour des raisons économiques, un film de quatre heures ne peut sortir en salles (moins de séance par jour = moins de spectateur·rice·s = moins d’argent). Faut-il alors imaginer que les cinémas deviendront des espaces formatés et les plateformes des oasis de libertés ? The Irishman de Martin Scorsese sorti sur Netflix avait entrouvert ce débat((The Irishman : pourquoi le dernier Scorsese ne sort pas au cinéma ?, 27/11/2019 – The World News)) en 2019, Zack Snyder’s Justice League fracasse la porte.
Seul Christopher Nolan semble encore de contredire cette hypothèse. Mais après l’accueil mitigé de Tenet, est-ce que ce privilège pourra durer ?
Pour en revenir à Zack Snyder, je vous conseille bien sur de regarder sa version de Justice League. Si vous avez été déçu·e·s de la version 2017 évidemment, mais aussi si vous souhaitez vous laissez convaincre qu’un film de super-héros n’est pas condamné à une formule universelle. Le film peut se regarder en plusieurs fois, puisqu’il est découpé en six parties ; c’est ce que nous avons fait : une pause à la fin de la seconde, qui correspond à la fin de l’exposition, et ça passe très bien. Laissez-vous tenter par cette proposition généreuse, pas exempte de défauts, mais dans le haut du panier des films de super-héros.
Informations
Zack Snyder’s Justice League de Zack Snyder avec Ben Affleck, Henry Cavill et Gal Gadot – sorti le 18 mars 2021 en VOD