A l’aube du 21e siècle, bien avant les Avengers, le monde fit la connaissance des X-men. En seulement 2 films, guidés par le réalisateur Bryan Singer, ils établirent les nouveaux standards du genre blockbuster super-héroïque. Pendant presque 20 ans, la licence X-men fera les beaux jours de la société de production 20th Century Fox et enchantera toute une génération de cinéphiles.
Alors que vient de sortir en salle le dernier opus de cette série de 10 longs métrages, nous sommes obligés de constater qu’aujourd’hui ces films sont loin de faire l’unanimité ; revenons ensemble sur l’ensemble de la saga X-men et essayons de comprendre comment cette licence si prometteuse et avant-gardiste a perdu tout son intérêt et toute son essence.
X-men, X-men 2
Des débuts tonitruants
Le premier film de la saga X-men débarque sur nos écran en l’an 2000. Réalisé par Bryan Singer, Le métrage suit principalement Logan, ou Wolverine, un mutant griffu et amnésique qui semble vagabonder ici et là ; et Rogue, ou Marie, ou Malicia (on va retenir Malicia pour cette rétro) complètement dépassée par ses dangereux pouvoirs, capables de tuer quiconque par simple contact physique. Ils trouveront refuge à l’école pour surdoués de Charles Xavier, un puissant télépathe qui recueille d’autres mutants en quête de réponses. Ensemble ils feront la découverte d’un monde dont ils ignorent tout et tenteront de trouver une place dans une société qui les traite comme des monstres.
Ce qui interpelle au premier visionnage du film, c’est qu’on nous présente avant tout une histoire de personnes, tous les personnages présentés ont un background fournis. Nous apprenons à découvrir ce monde à travers les yeux de Logan et de Malicia ; par conséquent, tout le reste du casting a un passif. Et nous prenons un réel plaisir à voir évoluer les personnages ensemble, des histoires d’amour naissent, des tensions apparaissent…etc. On ne tombe pas non plus dans le pathos je vous rassure.
Les antagonistes ne sont pas en reste, Magneto est même peut-être celui qui a le droit au développement le plus intéressant ; il ouvre d’ailleurs le film dans une scène absolument glaçante où le jeune Erik Lensherr découvre ses pouvoirs alors que lui et ses parents sont déportés vers des camps nazis. Dès cet instant il vouera une haine indéfectible pour les non-mutants, les “homo sapiens”, qu’il voit comme l’espèce du passé.
Certains crèvent plus l’écran que d’autres, mais aucun n’est laissé pour compte. Même dans la Confrérie de Magneto, Mystique, le Crapaud ou Dents-de-sabre sont aussi cool que Cyclope, Tornade ou Jean Grey.
Le film entier est une métaphore historique et sociétale. La plus évidente est le conflit idéologique qui a animé l’Amérique des années 60 avec Martin Luther King et Malcolm X qui se battaient pour la reconnaissance de la communauté noire. Il ne fait aucun doute que Charles Xavier et Erik Lensherr sont des projections de ces personnages historiques, l’un cherche une approche pacifique (cf Jean Grey face au Congrès), l’autre de manière bien plus brutale (cf la machine de Magneto). Le film dépeint très bien cette amitié impossible qui les unie.
D’une manière générale, les mutants, éternelles victimes de l’intolérances des Hommes, symbolisent toutes les communautés exclues ou non-reconnues par la société. C’est là la grande force du film, Singer utilise ses personnages pour faire passer un message de fond.
La mise en scène est sobre mais fonctionne à la perfection. Elle ne cherche pas à impressionner inutilement, en jouant avec des codes simples elle fait passer des messages. Singer offre dans sa réalisation une poésie certaine et une mélancolie qui marquent l’ambiance du film. Les scènes d’actions sont tout aussi abouties, les chorégraphies sont bonnes et la tension est efficace, bien aidées par quelques plans numériques vraiment très ambitieux pour l’époque (n’oublions pas que nous ne sommes qu’en 2000, au début des effets numériques). A l’instar des mutants qui sont des humains plus évolués, Singer propose une mise en scène autant en avance que possible.
Avec X-men, Singer a prouvé qu’on pouvait utiliser des personnages en combinaisons de cuire pour raconter des choses intelligentes et pas seulement pour amuser la galerie. A part un rythme qui s’essouffle légèrement au milieu du récit, le long métrage n’a pas pris une ride et est indéniablement un classique du genre.
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Une suite est très rapidement mise en chantier. Les scénaristes et producteurs développent le film comme L’Empire contre-attaque de la saga X-men. X-men 2 sort en 2003 et retrouve la quasi-intégralité du casting du premier film.
Dès le départ on remarque que la mise en scène est nettement plus ambitieuse, Singer a appris de ses erreurs. On lui a reproché d’avoir été avare en scènes d’actions, alors il utilise judicieusement le budget doublement plus important pour offrir une mise en scène ultra ambitieuse et dynamique tout en conservant une clarté suffisante pour ne jamais perdre le spectateur. Certaines scènes ont marqué l’histoire de la saga (la maison blanche, l’attaque du manoir, Alkali Lake…etc). En bref, Singer signe une partition prodigieuse pas loin de la perfection sans jamais trahir l’essence qui l’a inspiré auparavant.
Le développement des personnages est toujours aussi intéressant. X-men a présenté ses personnages, X-men 2 peut approfondir leurs relations. Ceux laissés pour compte dans le premier opus ont droit à plus de développement cette fois-ci (Tornade en tête de liste). Dommage que Cyclope soit le seul à déroger à cette règle et soit quasiment inexistant durant au moins la moitié du film. On apprécie la passation de témoin entre le casting du premier film et la nouvelle génération composée de Malicia, Iceman et Pyro qui trouve sa place au coeur du conflit.
Des petits nouveaux forts intéressants font leur entrée dans cet univers déjà bien fourni : Diablo le démon bleu qui trouve refuge dans la religion, Pyro, un ado rebelle au tempérament instable, Colossus capable de recouvrir tout son corps d’une carapace métallique, et Deathstrike, alter-égo féminin de Wolverine (peut-être inspirée de X-23).
L’histoire fait directement suite à X-men. Un nouvel ennemi pas très éloigné du passé de Wolverine, le général Stryker, s’en prend aux mutants du monde entier en s’attaquant directement aux X-men. Le scénario prend les spectateurs à contrepied en faisant de Magneto et Mystique des alliés de circonstance aux X-men, cette nouvelle situation n’aura pour effet que d’accentuer l’ambiguïté qui le motive. Nettement plus ambitieux que pour le premier film, le scénario est généreux en terme d’action et ajoute une vraie violence physique plus importante.
Malgré les péripéties, à l’instar de son prédécesseur, X-men 2 continue de traiter de sujets chers aux yeux du réalisateur. On peut retenir la scène de Boby face à ses parents, carrément comparable au coming-out d’un jeu adolescent qui annonce sa “différence”.
X-men 2 et Bryan Singer marquent un peu plus Hollywood. Il signe là un de ses plus grand film, rempli d’action, d’ambition, d’enjeux et de réflexions. De la première à la dernière seconde l’émerveillement est présent. C’est un miracle du cinéma comme il en arrive de temps en temps. Le respect s’impose. Les fans sont aux anges.
X-men l’Affrontement final, X-men Origins : Wolverine
Premiers faux pas
Une fois le second opus diffusé dans les salles et encensé par la critique, une conclusion est logiquement mise en chantier. X-men : l’Affrontement final sort en 2006 et adapte l’arc du Phoenix noir, initié depuis X-men 2, et se présente comme l’ultime défi des mutants. La parenthèse pacifique du précédent opus était de courte durée puisque Magneto est de nouveau l’antagoniste principal du film.
Après le départ de Bryan Singer pour Superman Returns, le studio contacte à peu près tout Hollywood. C’est finalement Brett Ratner qui hérite d’un scénario bancale, écrit à la hâte par Simon Kinberg et Zak Pen. Et comme dès le départ ce film était à l’arrache, Anna Paquin (Malicia), James Marsden (Cyclope) et Rebecca Romijn (Mystique) sont déjà engagées sur d’autre projets, au détriment de leurs personnages.
A première vue, la réalisation cherche à être similaire à celle de ses prédecesseurs ; je dis “cherche” puisque Singer étant tout de même un réalisateur talentueux, Ratner peine à se hisser à sa hauteur et propose une mise en scène qui s’avère au final assez plate et peu ambitieuse. Dès qu’il n’y a plus d’effets spéciaux, c’est très banal. (A noter que le métrage s’ouvre avec un rajeunissement numérique bluffant pour l’époque).
Le film s’appelle “L’Affrontement final”, par conséquent il est généreux en scènes d’actions. Et dans ce domaine, le réalisateur semble plus à l’aise. En proposant des chorégraphies intéressantes, des tensions continues et des montages dynamiques il permet au film de ne pas sombrer. La dernière partie du film se résume à une bataille dantesque ; même si les 3/4 des mutants n’ont pas d’intérêts et se résume à faire des grands sauts, le résultat se veut assez inventif, plaisant à suivre, et compte même quelques moments de bravoure (Kitty et le Fléau dans le laboratoire).
En revanche, le développement des personnages est vraiment moins mis en avant. L’ambiance mélancolique chère au premier réalisateur est nettement moins présente ; on ne la retrouvera qu’auprès de Malicia, dont la narration psychologique est toujours aussi bien écrite. Malheureusement on ne la verra que trop peu ; elle qui était un personnage central des deux premiers films, se retrouve rétrogradée au second plan. Et si vous vous attendiez à voir Angel, oubliez le, il est totalement inutile. Ma plus grande déception va pour le Fléau, clairement pas charismatique, il n’est rien de plus qu’un crétin avec des gros muscles. Le reste des nouveaux mutants de la Confrérie de Magneto n’est pas aussi ratée, certes ils sont carrément caricaturaux (la finesse de Singer manque cruellement) mais ils ont tout de même le mérite d’être assez intéressants. Heureusement que certains personnages comme Iceberg ou Colossus gagnent en épaisseur et qu’Ellen Page s’amuse à interpréter Kitty Pride pour empêcher le film d’être un ratage complet de ce point de vue ; Quand à Jean Grey, son développement est sous exploité mais n’est pas raté. Elle est à l’origine des moments les plus émouvants du film, sa puissance est parfaitement retranscrite et Famke Janssen propose une prestation assez inspirée. Mais je peux comprendre la déception de certains-es, jusqu’ici la saga ne se trompait pas dans l’écriture de ses personnages.
Car c’est bel et bien cet aspect qui pêche cruellement. Le script n’arrive pas à doser les choses. Les 2 histoires principales se marchent dessus, s’étouffent, et s’empêchent de se développer convenablement. Le ton ne s’en sort pas non plus, alternant les scènes bouleversantes et les effets qui tombent à plat. On peut tout de même lui trouver une vraie qualité : l’impact. Il y a des morts dans ce film, beaucoup de morts. les enjeux sont véritables pour les personnages et pour le monde mutant.
X-men : l’Affrontement final marque le premier faux pas pour la licence. Si le film est un carton au box-office, c’est un fiasco critique. Les fans l’ont détesté à sa sortie et le détestent encore aujourd’hui. Je ne me montre pas aussi sévère ; je suis sorti vraiment très déçu de la salle, le film a des vilains défauts, mais il offre tout de même de bons moments et apporte une véritable conclusion à la trilogie.
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Seulement quelques semaines après le lancement en production de l’Affrontement final, l’après trilogie est lancée. Une série de spin-off centrés sur des personnages de l’univers verra le jour et sera labellisée X-men Origins. Le premier opus de cette nouvelle série sera logiquement consacré au plus populaire des mutants : Wolverine. Gavin Hood est chargé de mener ce projet à bien et évidemment Hugh Jackman en sera la tête d’affiche.
Le film sort donc en 2009 et ne ment pas, nous avons bien droit aux origines complètes de Wolverine (qui s’appelle encore à l’époque James Howlett) puisque l’histoire démarre au XIXe siècle, alors qu’il n’est encore qu’un enfant. S’en suit un magnifique générique qui présente le mutant accompagné de son frère au sein de différentes grandes guerres (guerre de Sécession, première et seconde guerres mondiales et guerre du Vietnam). Premier faux pas, on découvre que le frère de Logan n’est autre que Dents-de-sabre, apparu dans X-men, aie…cette affiliation n’a jamais été mentionnée jusqu’ici et le look du personnage est radicalement différent. Excepté ce défaut, le scénario est globalement bien écrit et surprenant. Tous les moments clés sont bien présents : Stryker, l’opération Weapon-X, l’amnésie…etc, même la veste de Logan a une explication ; malheureusement on tombe un petit peu dans le piège des origins stories, tous les éléments qui construisent la légende d’un personnage naissent quasiment simultanément (le syndrome Solo a Star Wars Story). Tout semblait aller pour le mieux jusqu’à ce que le métrage s’offre le luxe d’intégrer un personnage bien connu des comics : Deadpool (déjà interprété par Ryan Reynolds). Sans le savoir, le film vient de signer son arrêt de mort. En prenant des libertés conséquentes avec le personnage d’origine, il s’attire les foudres des fans qui ne lui pardonneront jamais cet affront (jusqu’en 2016). Alors que très honnêtement le personnage et le film tiennent la route ! Certes il s’égare un peu en créant une histoire d’amour évitable et en rajoutant un lien entre Dents-de-sabre et Wolverine qui ne sera jamais vraiment lié à X-men, mais le film n’est pas l’étron qu’on voudrait bien nous faire croire.
La réalisation de Hood, sans briller est assez bonne, elle fait de son mieux en tout cas. La faute a des effets spéciaux vraiment mauvais pour l’époque. (Je serai hanté toute ma vie par ces griffes en CGI dans la salle de bain). Mais pour son premier film de cet ampleur, le réalisateur a de très bonnes idées de mise en scènes ambitieuses et abouties (bien qu’un peu clichées parfois). En revanche, le rythme ne décollera jamais vraiment. Hood arrive tout de même à restaurer l’ambiance très marquée de X-men 1 et 2 et disparue sur le troisième film. Il attache une importance particulière à lier visuellement le film à la trilogie d’origine, cet aspect peut se justifier par son inexpérience mais permet de rendre l’ensemble cohérent.
Bien qu’aider par un casting alléchant et un Hugh Jackman motivé, ce nouveau X-men Origins : Wolverine peine à convaincre. Pire, il est détesté des fans et même parfois renié dans la bouche des producteurs. Difficile de comprendre pourquoi, on a vu bien pire. Malgré un box-office plus qu’acceptable, la série estampillée Origins s’arrêtera là et la Fox enterre définitivement les projets Origins : Magneto et Origins : Deadpool. Dommage.