Synopsis
Rémy et Mélanie ont trente ans et vivent dans le même quartier à Paris. Elle multiplie les rendez-vous ratés sur les réseaux sociaux pendant qu’il peine à faire une rencontre. Tous les deux victimes de cette solitude des grandes villes, à l’époque hyper connectée où l’on pense pourtant que se rencontrer devrait être plus simple… Deux individus, deux parcours. Sans le savoir, ils empruntent deux routes qui les mèneront dans une même direction… celle d’une histoire amour ?
__Allociné__
Mon avis
Le cinéma est parfois un art surprenant. En me rendant dans la salle pour aller voir Deux moi, je pensais assister à une comédie romantique fraiche comme Mon inconnue ; la bande annonce et la présence de François Civil m’avait en tout cas donné cette impression. Et à ma grande surprise, Deux moi est un long métrage grave qui dépeint un grand mal de notre époque : la dépression. Dans notre société du paraître, des réseaux sociaux et de la surconsommation, il n’est pas évident de trouver sa place, surtout dans une grande ville comme Paris.
Ce film présente et oppose deux individus aux histoires totalement différentes : Rémy et Mélanie. Elle est laborantine et semble souffrir d’un cruel manque de confiance en elle, lui s’ennuie dans une plate-forme logistique. Ils sont voisins mais ne se connaissent pas et vivent seuls dans leurs appartements parisiens ; d’ailleurs le Paris de Deux moi est un Paris complètement normal, vraiment pas super sexy, sans Tour Eiffel, sans Champs Élysées, avec tout de même un petit Sacré Coeur au loin, mais alors vraiment très très loin. Rapidement, on comprend qu’ils souffrent tous les deux d’un mal invisible : la dépression. Personne, pas même eux, ne semble se rendre compte de leur état avant que leurs psychologues respectifs ne posent leurs diagnostiques.
La solitude est également une thématique présente, et fait évidemment à écho à la dépression ; ils semblent ne pas avoir d’ami (le film n’en présente pas en tout cas). Mélanie vit seule depuis sa rupture d’une relation dans laquelle elle s’est complètement perdue et dont elle ne s’est pas retrouvée un an après. Elle s’isole également de toutes relations familiales, tandis que Rémy ne trouve pas le soutien qu’il cherche auprès de ses parents.
Le réalisateur en profite pour tacler les réseaux sociaux (Facebook et Tinder principalement), qu’il présente comme des outils superficiels ne permettant pas vraiment de se rapprocher des autres.
Curieusement, c’est un petit chaton qui va entrer dans leurs vies et égailler leurs quotidiens (et faire ressurgir des maux enfouis).
En plus d’un montage parallèle vraiment bien fait, le film prend un malin plaisir à faire se croiser les deux personnages dans l’indifférence la plus totale. A chaque fois, le spectateur s’attend à assister à LA rencontre qui va tout changer, mais en vain. Les codes de la comédie romantique classique sont détournés et parodiés pour surprendre. Par une réalisation très esthétique et très symétrique, Klapisch parvient à réunir à l’écran ses protagonistes tout en les gardant considérablement éloignés et isolés. La caméra est la plupart du temps posée, les plans sont régulièrement fixes, et un minutieux jeu de couleurs vient illustrer l’état d’esprit des personnages. En bref, la mise en scène est poussée et soignée.
La bande originale, composée par Loïk Dury et Christophe Minck, est électronique et contemporaine et colle parfaitement à l’ambiance du métrage, c’est une vraie plus-value.
Enfin, Deux moi n’est pas une comédie mais a quelques moments rigolos, notamment grâce aux deux psychologues peu orthodoxes, interprétés par François Berléand et Camille Cottin. Le reste du casting est assez bon, Ana Girardot et François Civil (qui ne cesse de nous surprendre) signent une prestation aboutie, sobre et sincère.
En revanche, le film tombe dans un piège un peu trop évident. Alors que, comme je l’ai dit plus tôt, les héros passent 1h40 à se croiser dans l’indifférence, ils sont réunis à la toute fin du long métrage, et une histoire d’amour évidente semble naître. C’est vraiment dommage, le scénario aurait pu faire preuve d’une audace vraiment bienvenue en évitant ce dénouement. La happy-end va même plus loin puisque Mélanie et Rémy parviennent à laisser leur dépression derrière eux (autant pour lui c’est assez clair, autant pour elle c’est plutôt flou). On peut y voir une morale assez maladroite : pour vivre heureux, vivons en couple. Pour contrebalancer, je dirai que l’histoire fait écho au concept chinois du Fil rouge du destin de manière plutôt poétique.
Deux moi est un film intelligent et surprenant, qui présente la dépression sous différentes formes en évitant la caricature. Klapisch signe un métrage soigné aidé par un casting concerné. Une bonne surprise qui malheureusement tombe dans la facilité à la toute fin.
Informations
Deux Moi de Cédric Klapisch (L’Auberge Espagnole, Les Poupées russes, Casse-tête chinois) avec François Civil, Ana Girardot, Eye Haïdara – sorti le 11 septembre 2019