Tu n’as jamais couché avec un garçon, mais ça viendra. Et je vais tout te raconter. On va l’écrire ensemble, “LE SEXE”. Version non censurée. » Caroline, 42 ans, écrit à l’adolescente qu’elle a été. À 13 ans, celle-ci fantasme sur des garçons inaccessibles, rêve d’être désirée, espère une première fois flamboyante. Mais elle a surtout la tête pleine de questions. Comment s’y prendre ? Est-ce que ça fait mal ? Comment sait-on que l’on est amoureuse ? Et enfin : guérit-on un jour de son adolescence ? C’est lors d’une fugue en Angleterre à 14 ans que Caroline commencera à avoir quelques réponses à ses questions. Aujourd’hui, l’écrivaine partage des pages du journal qu’elle tenait, trente ans auparavant, et promet de rompre le silence et les tabous sur la sexualité. À moins que ce soit la fille et la femme qui racontent ensemble…
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Caroline Solé s’appuie sur la relecture des journaux intimes de son adolescence et de ses souvenirs pour nous parler de cet âge d’entre deux, aussi bien redouté qu’idéalisé. Le récit est bien construit et j’ai aimé le fait que l’adulte qu’elle est parle à l’ado qu’elle était pour la rassurer. Grâce à plusieurs thématiques, ce livre ne parle pas seulement d’être adolescent mais est un véritable essai sur la société.
La sexualité est au centre du récit et j’ai trouvé cela très cohérent, car j’ai beau être plus jeune que l’autrice, je fais partie de cette génération du silence où la sexualité était un tabou. J’ai grandi avec la peur face à l’inconnu que représentait l’intimité et la sexualité, ce qui aujourd’hui me semble vraiment idiot et incroyablement puéril. Heureusement, le sujet est de plus en plus abordé et le silence s’éteint.
Fille et femme se rejoignent pour nous mettre sous les yeux, ce qu’est d’être femme dans notre société ; et les mots de l’autrice résonnent tellement qu’il est difficile de croire qu’elle parle de son adolescence. Car ce que Caroline Solé raconte est si actuel que ça en est parfois dérangeant. En parlant du fait d’être fille, femme et d’être la personne qu’on souhaite, ce livre est féministe sans en faire un combat. Il l’est juste et cela suffit.
J’ai également aimé que l’autrice réussisse à mettre des mots sur des sensations et sentiments que j’ai pu ressentir plus jeune. Certes, j’ai eu une adolescence beaucoup plus calme qu’elle, mais les émotions étaient équivalentes. Et c’était plaisant de parvenir à mettre ces mots dessus et de se rendre compte qu’on n’était pas seule au monde finalement.
Lire ce roman m’a donné envie d’écrire à l’ado que j’étais, parfois pour la gronder, d’autres fois pour lui faire un câlin. Ce livre est une fenêtre sur le passé qui nous encourage à accepter nos erreurs et arrêter de nous en vouloir. Il n’est pas toujours évident d’accepter d’avoir été cette ado de 16 ans qui a pu faire du mal à son entourage ou à elle-même. Pourtant, elle est nous et il est important de prendre soin d’elle. Vous l’aurez compris, j’ai eu un vrai coup de cœur pour ce journal intime. Cette lecture a fait écho en moi et je suis sur qu’il pourra vous parler à vous aussi, car il touche toutes les générations.
Citations
- Vous avez tous peur, au fond. Peur de ce qu’on pourrait dire de vous, faire de vous. Vous blesser, vous manipuler, vous rejeter.
- Une fille devrait être invisible pour être hors de danger, c’est ce que la société te renvoie. Ne pas mettre des jupes trop courtes, des habits aguichants se dérober aux regards des hommes. Voilà le programme qui t’attend, crois-tu, en devenant une femme. Alors cela ne te donne pas vraiment envie, tu restes sur tes gardes.
- Tu n’as pas honte d’être une fille, tu n’as simplement pas le mode d’emploi.
- J’ai plusieurs mondes qui gravitent et aucun ne semble s’accorder. (ados)
- Je m’invente toutes sortes de choses. Je crois que je ne suis pas aussi bien que la plupart des autres. (ados)
- Quinze ans, c’est un enfant de cinq ans ; fois trois. Quelqu’un pleure constamment en toi.
- Toi qui vécu dans un environnement culturel ouvert, comment ces archétypes ont-ils été véhiculés jusqu’à ton cerveau ? A force de tolérer les clichés, les propos machistes, les comportements déplacés, une société finit par s’obscurcir à petite feu.
- Ce gouffre qui te sépare des autres et te fait tant souffrir, tu le paveras de mots pour t’en sortir.
- Quelle femme souhaites-tu devenir ? Certaines personnes chercheront à répondre à ta place. Ne te laisse pas influencer par ces gens qui penseront savoir mieux que toi quelle femme tu devrais être. Vivre libre, c’est mener l’existence que l’on porte en soi. Et personne ne peut savoir, et encore moins te dicter quel doit être ton accouchement.
Informations
D’après mon adolescence, journal intime de Caroline Solé chez Albin Michel – 03/03/2021 – 13,90€ – 144 pages – France