Dans les années 50, Ray Kroc rencontre les frères McDonald qui tiennent un restaurant de burgers en Californie. Bluffé par leur concept, Ray leur propose de franchiser la marque et va s’en emparer pour bâtir l’empire que l’on connaît aujourd’hui.
__Allociné
Comment est né l’empire McDonald’s ? Ces fast-food verts et jaunes sont implantés depuis si longtemps dans nos paysages qu’on n’en oublie de se demander d’où ils viennent ? Quel était le premier ? Comment crée-t-on un empire de cette dimension ? Le Fondateur nous donne les réponses.
Ce qu’on peut dire d’entrée c’est que le titre ment : Raymond ‘Ray’ Kroc (oui ça ne s’invente pas) n’est pas le fondateur de McDonald’s ; enfin pas tout à fait. Ray Kroc n’est pas l’inventeur de McDonald’s et du fameux concept service express, mais il est tout de même à l’origine de l’expansion mondiale de la franchise.
Fasciné par le restaurant de Richard et Maurice McDonald, celui qui n’était alors qu’un commercial raté a senti le potentiel, l’inventivité et le génie des frères, et les a convaincu qu’un partenariat serait profitable pour tout le monde : les frères développaient le concept tandis que lui s’occupait de franchiser la marque au quatre coins des États-Unis. Rapidement, et à force de coups tordus, il s’enrichit sur le dos des trop naïfs Richard et Maurice, jusqu’à leur voler l’entièreté de l’entreprise, puis les effaça de l’histoire officielle de McDonald’s en s’autoproclamant Fondateur et en désignant son restaurant franchisé comme le McDonald numéro 1 (c’est toujours le cas aujourd’hui((Camille Hazard, Il y a 75 ans MacDonald’s ouvrait son premier restaurant, 15/05/2015 – Paris Match))). Le Fondateur est donc l’histoire ambiguë d’un voleur.
J’aime beaucoup ce film, je passe toujours un bon moment, le récit est fluide et permet de captiver le spectateur. J’adore la photographie, les couleurs sont relevées avec harmonie sans pour autant chercher à idéaliser les années 50 qui sont plutôt présentées avec réalisme. La palette du film rappelle régulièrement le rouge et le jaune, les couleurs historiques de McDonald’s qui permet au métrage d’exister dans un univers défini du début jusqu’à la fin.
Le jeu des acteurs apporte également beaucoup. Keaton est encore une fois extrêmement juste ; tantôt sympathique, tantôt détestable, son interprétation est variée et d’une justesse excellente. Les frères Dick et Mac interprétés par Nick Offerman et John Carroll Lynch sont très convaincants, ils font vraiment de la peine lorsqu’ils sentent que cette histoire leur échappe complètement. Enfin, Laura Dern n’a plus besoin de prouver son talent et livre une prestation parfaite en femme au foyer seule et malheureuse. Tout le casting semble concerné et apporte un vrai intérêt au film, aidé par une reconstitution des décors, et notamment celle des restaurants très convaincante.
Mais ce que j’aime le plus dans Le Fondateur c’est la narration. Comme bien souvent il est difficile de connaître la véracité des faits, et j’imagine que comme d’habitude il y a quelques libertés prises par le scénario (c’est assez difficile à vérifier tant l’histoire officielle de McDo a été arrangée) ; mais j’apprécie que le métrage ne nous oriente pas vis-à-vis du parcours de Ray Kroc. Je suis convaincu que le personnage fascine autant qu’il exaspère. Il est présenté comme un commercial raté, enchainant les échecs, au grand dam de son épouse et dont le mariage ne tient qu’à un fil, jusqu’à sa rencontre avec les frères McDonalds, et ses ascensions sociale et financière. Certains y verront un homme remarquable, courageux, qui ne renonce jamais ; tandis que d’autres y verront un escroc profitant de la naïveté d’autrui. Son échec est tout de même relatif puisque ses inventions ratées étaient finalement en avance pour son époque : tables pliantes, machines à milshakes, gobelets en carton. Le regard du film sur son protagoniste varie ainsi tout au long du métrage. Au final, le personnage n’est pas foncièrement mauvais ; La fascination de certain·e·s pour les hommes et les femmes à l’ambition infinie permet à Ray Kroc d’être un héros national (l’American Dream dirons-nous), mais le film n’oublie pas de largement mesurer son personnage et ses actions discutables, et laisse ainsi le choix au public de l’idolâtrer ou de le condamner.
A titre de comparaison, prenons deux biopics aux thématiques similaires : The Social Network de David Fincher et Jobs de Joshua Michael Stern. Si le premier prend le parti de condamner son héros, si bien que Mark Zuckerberg n’hésite pas à exprimer tout le mépris qu’il éprouve à son égard((Cyril Coantiec, Mark Zuckerberg ne digère toujours pas The Social Network, 10/11/2014 – Le Figaro)) ; le second est une fumisterie, une publicité aux allures de propagande pour la marque Apple, où Steve Jobs est idéalisé sans la moindre nuance (on dit que le film Steve Jobs de Danny Boyle sorti en 2015 est beaucoup plus atténué((Corine Lesnes, Pour Apple, le ver est dans le film sur Steve Jobs, 27/09/2015 – Le Monde)), mais je ne l’ai pas encore vu).
J’aime Le Fondateur justement parce-qu’il se situe à l’exacte intersection de ces deux métrages, ce qui fait de lui l’un des plus intelligents et l’un meilleurs biopics que j’ai pu voir.
Informations
Le Fondateur de John Lee Hancock (Dans l’ombre de Mary) avec Michael Keaton, Nick Offerman, John Carroll Lynch – sorti le 28 décembre 2016 – actuellement disponible sur Netflix