Synopsis
Muni d’un seul mot – Tenet – et décidé à se battre pour sauver le monde, notre protagoniste sillonne l’univers crépusculaire de l’espionnage international. Sa mission le projettera dans une dimension qui dépasse le temps. Pourtant, il ne s’agit pas d’un voyage dans le temps, mais d’un renversement temporel…
__Allociné.
Mon avis
Présenté comme le messie qui sauvera les salles de cinéma françaises, la dernière oeuvre de Christopher Nolan jouit déjà d’une sacré réputation peu flatteuse. “Trop compliqué”, “brouillon”, “précipité”, le réalisateur semble avoir été trop loin et peinera probablement à rencontrer un succès colossal qui lui tendait les bras. Mais alors, Tenet est-il si compliqué ? Voici mon avis sur film et tous ces commentaires plaintifs.
D’abord, Tenet n’est pas compliqué. Et prétendre qu’il faille plusieurs visionnages pour le comprendre est une ineptie. Comme le dit le synopsis, il n’est même pas question de voyage dans le temps mais bien “d’un renversement temporel” ; en gros, le film présente ce qu’il se passe pendant le voyage dans le temps. Voilà le concept de Tenet. Le seul intérêt d’un revisionnage serait avec un papier et un crayon pour analyser attentivement et comprendre le découpage et l’utilisation des reverses temporels (comme l’a fait un certain Cookpete : ici) ; je suis intimement convaincu que l’entièreté du métrage fonctionne, malgré un aspect désordonné et une superficialité apparente.
Ensuite, Nolan nous a accoutumé à semer des indices partout à l’écran, ici il ne déroge pas à cette règle, et un visionnage attentif permet de saisir une majeure partie des enjeux présentés et ne pas être être complètement perdu ; les masques en sont le parfait exemple.
Enfin, si Tenet perturbe autant, c’est uniquement la faute à une narration et un montage hyper nerveux qui ne redescendent jamais sous les 110 battements par minute. Le montage est volontairement particulier, s’émancipant de la moindre transition ou de plan d’illustration, il étonne autant qu’il déstabilise.
Évidemment, Tenet n’est pas non plus une totale réussite. Il y a trop de facilités qui arrangent le scénario pour faire avancer l’histoire. Des motivations du personnage principal très floues voire infondées ; ou encore des clichés et des exagérations. En fait Christopher Nolan, seul à l’écriture, donne l’impression de ne pas se tracasser avec certains éléments qui ralentiraient le rythme de son histoire ; malheureusement au dépend du film qui en devient bancal sur certains points. Et tant qu’on parle du scénario, c’est un produit 100% Nolanien dans lequel on trouve plusieurs éléments chers au réalisateur : la manipulation, le temps, et la famille ; c’est aussi un film extrêmement bavard, où le personnage de Robert Pattinson, véritable avatar de Nolan (la ressemblance physique est troublante) passe une bonne partie du métrage à donner les clés de compréhension aux spectateurs·rices.
En fait, pour mieux comprendre on peut imaginer que Tenet est avant tout un concept sorti de l’esprit génial du réalisateur, autour duquel il a fallu coudre un scénario de 2h30, d’où les quelques faiblesses scénaristiques qui contrebalancent avec l’extrême précision dans les concepts de renversement temporel.
J’émets également une théorie personnelle. Lorsque l’on connait l’égo de Christopher Nolan, on peut imaginer sans mal que les critiques visant la complexité de ses films l’a directement touché et l’a poussé à développer une œuvre vraiment compliqué, une sorte de pêché d’orgueil en somme : “Vous voulez un film compliqué ? Vous allez l’avoir”. Cette intention le pousse à une surenchère massive à tous les points de vue : un scénario complexe, des dialogues exubérants, une réalisation excessive et un montage boulimique. Au vu des nombreuses critiques qui entourent le film, j’ai peur que Nolan soit allé trop loin et ait perdu beaucoup de monde dans son voyage à travers le temps.
Pourtant Tenet a d’excellents arguments, avec ses airs de film d’espionnage, voir de James Bond, la réalisation est ambitieuse et léchée. Nolan joue avec sa caméra pour faire écho à son concept (le plan d’ouverture met dans l’ambiance). La photographie et la lumière sont elles aussi très symboliques et très travaillées. La musique, non pas composée cette fois par l’acolyte de toujours Hans Zimmer mais par Ludwig Göransson (à qui l’on doit la BO de The Mandalorian), s’amuse elle aussi avec les distorsions temporelles et propose des sonorités électriques inédites ; je regrette quand même une similarité un peu facile avec la plume du compositeur allemand, et à celle de The Dark Knight notamment. Quant au casting, comme souvent les acteur·rice·s dirigé·e·s par Nolan sont très juste mais Robert Pattinson est celui qui crève le plus l’écran ; sans l’avoir vu au cinéma depuis Harry Potter et la Coupe de Feu, je savais qu’il avait prouvé son talent, mais ici, il montre au monde entier qu’il est un grand acteur. C’est très excitant pour The Batman qui doit arrivé l’année prochaine, et dont il sera l’interprète.
Malgré un succès au box office français, Tenet n’est pas le sauveur annoncé. En quelques semaines d’exploitation, il s’est forgé une réputation peu enviable de film élitiste, trop compliqué, pas accessible. Après l’impressionnant Interstellar, le plaisant Dunkerque, Christopher Nolan semble s’être pris les pieds dans le tapis en proposant un long métrage qui divise et qui peine à convaincre. L’avenir nous dira comment le réalisateur se relèvera de cet échec critique.
Informations
Tenet de Christopher Nolan (The Dark Knight, Inception, Interstellar) avec John David Washington, Robert Pattinson, Elizabeth Debicki – sorti le 26 août 2020