France, professeure de sport le jour, ouvrière la nuit, milite activement contre l’usage des pesticides. Patrick, obscur et solitaire avocat parisien, est spécialiste en droit environnemental. Mathias, lobbyiste brillant et homme pressé, défend les intérêts d’un géant de l’agrochimie. Suite à l’acte radical d’une anonyme, ces trois destins, qui n’auraient jamais dû se croiser, vont se bousculer, s’entrechoquer et s’embraser.
Captain Watch
Goliath porte bien son nom puisque ce film traite d’une situation absolument terrible : la puissance écrasante de l’argent et l’inéluctabilité d’un combat perdu d’avance. En sortant de la salle il est compliqué d’être autrement que bouleversé·e, déboussolé·e, fataliste, mais surtout en colère. Le long métrage de Frédéric Tellier présente un jeu de l’ombre auquel nous ne devons normalement pas assister. Le jeu de la toute puissante finance, du lobbying et de la politique ; ce jeu cynique qui tient le monde entre ses mains et joue avec nos vies sans le moindre scrupule, tant que les profits restent suffisants. C’est bien de vie, ou plutôt de morts dont il est question ici. Si la vérité n’est pas celle dépeinte, elle en est à coup sûr toute proche.
Le film s’inspire de tout un tas de scandales sanitaires passés pour proposer une sombre synthèse des manipulations qui opposent victimes, géants industriels, pouvoirs publics et lobbys. La frontière entre vérité et complotisme est ici très fine, mais le cynisme de notre actualité est tel qu’on n’a envie de croire que tout est réel.
Si l’on parle du film pour ce qu’il est : un objet cinématographique, je suis moins emballé. Certains choix de mise en scène m’ont troublé : une surexposition des blancs très prononcée que je ne suis pas parvenu à m’expliquer, ou une caméra épaule vraiment très tremblante qui m’a parfois totalement empêché de comprendre ce qu’il se passait.
Les acteurices proposent des performances intéressantes. Si je n’ai rien de particulier à dire sur les protagonistes, ce n’est pas le cas des antagonistes ; j’ai trouvé que toustes jouaient “mal”. J’y vois une volontaire intention de réalisation qui a pour but de mettre en image le constant mensonge dans lequel baignent ces personnages. Pierre Niney dénote de son jeu habituel, plein de spontanéité et d’énergie pour proposer une prestation beaucoup plus froide, calculatrice et manipulatrice.
Et Pierre Niney justement, il est pour moi une erreur de casting. Je m’explique, son personnage est présenté comme un carriériste, arrogant, menteur, tricheur, censé nous révulser à chacune de ses apparitions ; or, sa sympathie est trop naturelle, et ce n’est pas une petite barbe parfaitement taillée qui va l’empêcher d’être Pierre Niney ; un visage moins connu aurait à mes yeux mieux fonctionné.
Le scénario quant à lui est très dense, tout va très (trop) vite. En voulant aborder plein de sujets, le film n’a pas de colonne vertébrale. Certains dialogues un peu poussifs tentent alors de raccrocher les wagons, mais la narration peut sembler superficielle. Le deux ex machina qui ouvre la conclusion fait de cette histoire une totale fiction, qui ne se passe pas ainsi dans la vraie vie. Néanmoins le récit fonctionne et les deux heures du film sont passées très vite.
Goliath est un lanceur d’alerte très intéressant. Ses thématiques sont abordées avec justesse et une volonté sincère. Malheureusement, pour les raisons évoquées plus haut, la forme pêche d’avantage, mais sans pour autant gâcher la séance. Clairement un film que je recommande pour l’importance de son sujet.
Goliath de Frédéric Tellier avec Gilles Lelouche, Pierre Niney et Emmanuelle Bercot – sorti le 09/03/2022