Celles qui survivront ne seront plus jamais les mêmes. « Personne ne parle de l’année de grâce. C’est interdit. Nous aurions soi-disant le pouvoir d’attirer les hommes et de rendre les épouses folles de jalousie. Notre peau dégagerait l’essence pure de la jeune fille, de la femme en devenir. C’est pourquoi nous sommes bannies l’année de nos seize ans : notre magie doit se dissiper dans la nature afin que nous puissions réintégrer la communauté. Pourtant, je ne me sens pas magique. Ni puissante. » Un an d’exil en forêt. Un an d’épreuves. On ne revient pas indemne de l’année de grâce. Si on en revient. Un roman d’exception « dans la lignée de La Servante écarlate, Sa Majesté des mouches et Hunger Games. » Goodreads
__Casterman.
L’année de Grâce n’est pas passé inaperçu depuis sa sortie, tout Bookstagram en parle, et c’est ce qui m’a donné envie de tenter l’aventure. Décrit comme Le nouveau roman féministe à lire, la quatrième de couverture nous promet un mix entre La Servante écarlate et Hunger Games (oui oui, rien que ça…). Forcément, c’est aguicheur, mais est-ce que ce livre est à la hauteur de sa description ?
Ce roman nous dépeint un univers dans lequel les femmes ont des devoirs mais aucun droit. Leurs vies sont régies par les hommes à qui elles appartiennent, d’abord à leurs pères, puis à leurs époux. Dans ce monde fictif, dont on ne connait ni l’époque, ni le lieu, notre héroïne : Tierney, appelle l’endroit où elle vie “Le comté”, un village entouré de palissades, d’où elle n’est jamais sortie. Elle sait seulement qu’en dehors de son village il existe “les quartiers extérieurs” où vivent les femmes bannies du comté et les braconniers. Ce lieu est un endroit de dépravation et de pauvreté guidé par la violence, le marché noir et la prostitution. Et seuls les hommes du village peuvent y avoir accès, bien évidemment.
Tierney a 16 ans, c’est l’âge auquel les filles du village sont envoyées en année de grâce pour évacuer leurs magies avant de débuter leurs vies de femmes. Le roman débute en nous décrivant les règles de vie du comté, ces terribles règles qui me faisaient grincer des dents à chaque page que je tournais : “les femmes n’ont pas le droit de rêver”, “les femmes doivent porter des tresses”, “cette femme va être tuée sur la place publique car elle est trop vieille pour procréer”… des pages et des pages de règles et de lois plus absurdes les unes que les autres. Toutes une société où le rôle des femmes est de procréer des garçons. Ces femmes sont tellement endoctrinées que leurs pires ennemies sont elles-mêmes… énervant et triste à souhait.
J’ai d’abord eu du mal à rentrer dans le roman, j’ai trouvé ça lent, et cette terrible description a été comme une baffe que je me suis prise ; puis la cérémonie du voile est arrivée et les évènements ont commencé à s’accélérer. J’ai alors trouvé le roman addictif, j’avais envie d’en savoir toujours plus sur l’année de grâce et découvrir si mes hypothèses étaient justes, et c’était souvent le cas.
Pourtant, cette lecture me laisse un sentiment mitigé. J’ai beaucoup aimé le livre, je l’ai lu très vite, en un week-end. Mais à côté de ça, je ne sais pas trop quoi penser de ce qu’il m’a raconté. Je pense que le problème principal c’est le fait que ce soit une histoire qui ne tient qu’en un seul roman unique, si l’autrice avait créé une trilogie, elle aurait pu faire les choses plus délicatement ; là j’avais parfois l’impression qu’on me balançait des informations dont je n’aurai ensuite aucune explication… Certains éléments et personnages sont survolés alors qu’avec plus de temps, ils auraient pu être mieux exploités. J’ai également été un peu déçue par Tierney, qui passe tout le début du roman à nous annoncer qu’elle veut être libre, qu’elle ne veut pas se marier, mais qui tombe amoureuse super facilement de l’homme qui, certes la sauve, mais est un braconnier qui a pour mission de tuer les filles en année de grâce, et de les dépecer… A partir de ce moment là, son intérêt personnel prend le dessus sur la cause… Je comprends bien qu’une fille de 16 ans qui tombe amoureuse peut remettre beaucoup de choses en question, mais ce personnage semblait si sûre d’elle et forte que ce changement m’a vraiment choqué.
Le final est grandiose, et horrible ; c’est une véritable tragédie. Et même si cette fin présage d’une hypothétique amélioration du futur, cet espoir est vraiment trop léger par rapport à l’histoire qu’on nous raconte et à la violence faite aux femmes dans ce roman. Là, encore une trilogie aurait permis de mieux détailler les personnages, de leur laisser plus de temps, et permettre d’assister à cette révolte tant attendue, car c’est bien ça qui manque à ce roman : une révolte. Les chuchotements, les rêves de changements et la bonne volonté de certains personnages sont certes porteurs d’espoir, mais l’espoir ne suffit pas ; ce roman m’a beaucoup trop mise en colère pour me satisfaire d’espoir.
Pour conclure, je dirais que j’ai aimé cette lecture, mais ce n’est pas un coup de cœur car elle s’est contentée de n’être qu’une étincelle quand elle aurait dû être un feu. C’est vraiment bête car l’histoire a un énorme potentiel et aurait pu être “le nouveau Hunger Games“, mais là où Katniss à eu trois tomes pour se développer, créer l’étincelle et mettre le feu. Tierney n’a eu que 440 pages de souffrance, d’amour brisé, et quelques moments de bonheur pour terminer sur un espoir incertain.
Citations
- Sache qu’une simple grain de bienveillance peut tout changer…_La sœur de Tierney
- Tes yeux sont grands ouverts, mais tu ne vois rien._La mère de Tierney
- Tu peux garder tes rêves (…) Moi, je ne rêve que de toi._Mickaël
- Ils peuvent m’affubler de beaux atouts, me donner en mariage et décréter que je suis désormais une femme, je ne me sens pas prête à affronter cela. Pas le moins du monde._Tierney
- Il croit m’aimer d’un amour pur, mais son allégeance à sa famille, à la foi et à son sexe prédominera toujours._Tierney
- Rêve, ma petite. Rêve d’une vie meilleure. Une vie honnête._Mère de Tierney
- Le paradis, c’est une cabane en haut des arbres. C’est un garçon aux mains froides et au cœur froides et au cœur bien chaud. _Tierney
Informations
L’année de Grâce de Kim Liggett chez Casterman (01/10/2020) – 19.90€ – 448 pages – USA