Léa, Marc, Karine et Francis sont deux couples d’amis de longue date. Le mari macho, la copine un peu grande-gueule, chacun occupe sa place dans le groupe. Mais, l’harmonie vole en éclat le jour où Léa, la plus discrète d’entre eux, leur apprend qu’elle écrit un roman, qui devient un best-seller. Loin de se réjouir, petites jalousies et grandes vacheries commencent à fuser. Humain, trop humain ! C’est face au succès que l’on reconnait ses vrais amis… Le bonheur des uns ferait-il donc le malheur des autres ?
__Allociné.
Quand on déambule dans un cinéma, on croise des affiches, beaucoup d’affiches. On remarque qu’il y en qui sont totalement ratées, d’autres qui se ressemblent toutes((Avez-vous remarqué que toutes les affiches de films se ressemblent ?, 11/12/2015 – Trendly)), certaines qui sont plus originales, et celles qui répondent à un cahier des charges tellement définis qu’on comprend à quelle œuvre on a affaire en un battement de cil. Dans ce sens, l’affiche de Le bonheur des uns… est interprétable entre mille : gros casting français bien mis en avant, phrase d’accroche complètement clichée et sourires annonciateurs d’amitiés mises à rude épreuve. Pas besoin de voir la bande annonce, en une seconde j’avais cerné le film ; et ça tombe bien, j’aime ces comédies françaises issues du théâtre, avec leurs personnages bien définis, leur situation initiale très claire, leur élément perturbateur qui rabat toutes les cartes, et leur écriture aux dialogues très rythmés et agréables.
A l’image de son affiche, Le bonheur des uns… est très classique. Il n’en reste pas moins un moment plaisant durant lequel on ne s’ennuie pas ; même si quelques minutes de moins lui aurait permis d’être plus efficace. D’abord joué au théâtre sous le nom de L’île flottante, le film hérite de certains codes inévitables : des scènes assez longues, une poignée de décors et de dialogues très rythmés et incisifs, des situations absurdes et des quiproquos, et des personnages à la limite de la caricature. Gare à ceux qui n’aiment pas le genre.
La pièce déjà mise en scène par Daniel Cohen et à l’origine du film aborde déjà quelques réflexions féministes et sociétales complètement dans l’air du temps, puisque Le bonheur des uns… parle de l’émancipation de Léa (Bérénice Béjo) sous l’emprise de son mari Marc (Vincent Cassel), qui sans être un salaud antipathique apprécie le confort masculin du modèle patriarcal, et de son amie d’enfance (Florence Foresti), grande gueule, légèrement autocentrée, qui prend beaucoup de place dans sa vie. Alors qu’elle devient soudainement romancière à succès, Léa s’affirme, sort de sa timidité et gagne beaucoup d’argent. Son entourage qui jusqu’alors la poussait à affirmer ses choix et ses passions, va petit à petit jalouser son bonheur naissant, éloigné des standards dictés par la société, et découvrir avec regret et amertume que leurs confortables vies reposaient en partie sur la compassion de l’héroïne, qui n’hésitait pas à sacrifier son propre épanouissement pour celui de ses amis. Reste Francis (François Damiens), qui sous l’influence de son amie voit l’occasion de trouver à son tour sa version du bonheur.
On peut alors signaler la réussite du casting. Tout en restant dans leur registre habituel, les quatre acteurs principaux s’effacent derrière leurs personnages. Bérénice Béjo offre une interprétation sobre, pétillante et formidable ; Vincent Cassel est tout à fait crédible, mais se contente du minimum de son talent. Florence Foresti est aussi drôle que détestable et François Damiens, plus discret, fait office de valeurs comiques mais semble être le seul personnage à se réjouir véritablement du succès de son amie.
Si Le bonheur des uns… n’est pas la comédie de l’année, ni même la plus drôle, mais elle est une des plus malignes. Je pense notamment à la scène du restaurant, derrière une scène typiquement théâtrale à l’humour absurde, elle permet aux spectateurs de cerner en quelques minutes les personnages, leurs relations et les enjeux du scénario. De plus, sans arborer des drapeaux et des banderoles militants, le film aborde quelques sujets modernes, dans l’air du temps, qui peuvent amener à méditer. Preuve que la comédie peut également faire réfléchir sans en donner l’impression.
Pour toutes ses qualités, je vous conseille ce long métrage, idéal pour une soirée de week-end pluvieux.
Informations
Le bonheur des uns… de Daniel Cohen (Comme un chef, Les Deux mondes) avec Vincent Cassel, Bérénice Bejo, Florence Foresti et François Damiens – sorti le 9 septembre 2020